lundi 23 septembre 2013

Un plan pour l'EAC et La contribution sur les tablettes connectées, Hadopi et le CSA


Un plan pour l’éducation artistique et culturelle
Le lundi 16 septembre dernier, Aurélie Filippetti a présenté son projet pour l’Education artistique et culturelle, inscrite dans la loi pour la refondation de l’école. Ce plan vient concrétise l’engagement de campagne de François Hollande, réaffirmé par la suite comme le grand projet du quinquennat.
Ce plan s’appuie une douzaine de décisions. En voici les plus notables  :
-        Une mobilisation budgétaire de 10 Millions d’euros supplémentaires d’ici 2015, soit 1/3 de crédits supplémentaires, (équivalents à  1000 Projets) en appui aux collectivités territoriales.   Ainsi, l’action de l’Etat se définit d’abord en partenariat avec les collectivités territoriales, déjà mobilisées et actives en faveur de l’éducation artistique et culturelle.
-        Une déconcentration des crédits, avec un effort supplémentaire en direction des territoires plus éloignés du Centre ou définis comme « prioritaires »  en liaison avec les politiques de la ville, le Ministère de la jeunesse, (projets pilotes en Outre-mer….) convention signée avec le  Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche…. ou coopérations européennes (cf. projets transfrontaliers avec l’Allemagne)
-        Une charte d’engagement entre les ministères parties prenantes de l’EAC et les associations de collectivités territoriales.
-        Une priorité à la formation  des enseignants par la  mise en place de modules au sein des écoles professorales et d’une formation continue à l’échelle régionale.
-        Une université d’été de l’Education artistique et culturelle qui se tiendra annuellement en Avignon, constituant un lieu d’échanges des approches et expertises entre tous les acteurs (Etat, collectivités territoriales, mais également artistes, associations…).
-        Un engagement de toutes les grandes institutions « patrimoniales » qui devront inscrire un volet « éducation artistique et culturelle » dans leur cahier des charges  (cf. engagement réalisé du Louvre, de la Cité des Sciences, INA…. ) créant ainsi un de 70 établissements publics pour l’éducation artistique et culturelle. »
-        Une meilleure prise en compte de l’implication professionnelle des artistes, dans le cadre de la négociation entre partenaires sociaux sur l’intermittence du spectacle.

C’est donc un plan sérieux qui a été présenté par la ministre sur ce sujet. Cela va permettre, espérons-le, de mettre en place le volet d’éducation artistique et culturelle nécessaire à la réussite de la réforme de l’Ecole mais dont le ministère de l’éducation national freine pour l’instant le déploiement. Il est d’ailleurs à ce titre regrettable et symptomatique que ce dernier ait baissé, cet été, de manière importante les subventions qu’il octroyait à certaine structure dans le domaine culturel.


La contribution sur les tablettes connectées, Hadopi et le CSA
  
Vendredi dernier, le 20, j’ai été invité à une émission de RMC (Carrément Brunet) pour défendre la « Taxe Lescure ». Je  suis évidemment favorable à cette contribution qui permettrait de faire « remonter de la valeur dans la filière culturelle ». Autant prendre de l’argent là où il y en a, c’est-à-dire chez les fabricants de tablettes numériques, pour en mettre là où il y en a moins c’est-à-dire dans la création artistique. Pour le débat sur ce sujet, je vous renvoie à l’écoute de l’émission du 20 septembre :



Mais au de-là de cette question, il me faut revenir sur les questions d’Hadopi et du CSA.
En mai dernier, les professionnels de la culture et de l’audiovisuel, tout comme les responsables politiques et publics, saluaient d’une même voix la qualité du rapport Lescure sur « L’acte II de l’exception culturelle ». Trois mois plus tard, ce consensus – assez inédit sur ce sujet – a failli voler en éclats par un amendement du Sénat proposant de transférer les compétences d’Hadopi au CSA, dans le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. Cette amendement, déposé il y a 15 jours a ensuite été retiré. C’est heureux car c’est tout l’équilibre des conclusions de la mission Lescure, et des perspectives qu’elles permettent d’ouvrir, qui aurait été rompu en quelques lignes.

Certes, le possible transfert des missions d’Hadopi au CSA figurait parmi les pistes de réflexion du rapport Lescure. Mais l’acter dès aujourd’hui, et de cette manière, auraient été un non-sens total.

D’abord, en raison du calendrier. Le 9 juillet dernier, la ministre de la Culture mettait fin, par décret, à la sanction de suspension de l’abonnement Internet en cas de récidive avérée de téléchargement illégal. Par ce geste unanimement salué, elle signifiait la volonté de rompre avec la logique répressive de la loi Hadopi et de privilégier la concertation sur son avenir. Transférer ses missions à une autre autorité, donc libre de les conserver à l’identique ou de les faire évoluer vers un contrôle encore plus strict du Net, aurait donc empêché tout débat ultérieur, indépendance du CSA oblige. Un excellent rapport de 80 propositions qui n’aurait abouti qu’à la suppression de la coupure de l’abonnement Internet (d’ailleurs jamais appliquée !), et à la reconduction de facto le principe de la « riposte graduée », c’eût été comme un mauvais remake de « Tout ça pour ça ! ».

Ensuite, la méthode. Les enjeux relatifs à la transmission, l’échange et la création de contenus culturels à l’ère numérique dépassent largement la question de l’avenir d’Hadopi, et doivent être traités de manière cohérente, donc globale. Le grand mérite du rapport Lescure est de proposer une approche dynamique, qui permette de réconcilier les droits des créateurs et les droits des internautes. Donner une traduction concrète à cette ambition implique donc d’apporter une réponse à la question du piratage (en distinguant d’ailleurs la contrefaçon lucrative du téléchargement à usage personnel), mais aussi et surtout de proposer des solutions innovantes pour assouplir la chronologie des médias, réglementer les échanges non marchands, faciliter le recours aux licences libres, favoriser le développement d’une offre légale, riche et diversifiée, et bien sûr garantir le financement des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ainsi que la rémunération de leurs créateurs. A cet égard, il est regrettable que le gouvernement ait renoncé, pour cause de pause fiscale, à proposer l’instauration de la contribution sur les tablettes connectées dès 2014, qui aurait été un signal fort pour passer de l’ère de la répression juridique à celle de la régulation économique par la puissance publique. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Au final, c’est la préservation de l’exception culturelle, que la ministre a défendue avec tant d’ardeur au printemps dernier, qui est au cœur de ces multiples enjeux. Elle mérite résolument mieux qu’un cavalier législatif et doit désormais faire l’objet d’une grande loi, qui pose le cadre d’une politique publique réaliste et ambitieuse. Plus que jamais, l’heure est venue d’ouvrir ce débat.