Un plan pour
l’éducation artistique et culturelle
Le lundi 16 septembre dernier, Aurélie Filippetti a
présenté son projet pour l’Education artistique et culturelle, inscrite dans la
loi pour la refondation de l’école. Ce plan vient concrétise l’engagement de
campagne de François Hollande, réaffirmé par la suite comme le grand projet du
quinquennat.
Ce plan s’appuie une douzaine de décisions. En
voici les plus notables :
-
Une mobilisation budgétaire
de 10 Millions d’euros supplémentaires d’ici 2015, soit 1/3 de crédits supplémentaires, (équivalents à 1000 Projets) en appui aux collectivités
territoriales. Ainsi, l’action de
l’Etat se définit d’abord en partenariat avec les collectivités territoriales,
déjà mobilisées et actives en faveur de l’éducation artistique et culturelle.
-
Une déconcentration des
crédits, avec un effort supplémentaire en direction des territoires plus
éloignés du Centre ou définis comme « prioritaires » en liaison avec les politiques
de la ville, le Ministère de la jeunesse, (projets pilotes en Outre-mer….)
convention signée avec le Ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche…. ou coopérations européennes (cf.
projets transfrontaliers avec l’Allemagne)
-
Une charte d’engagement
entre les ministères parties prenantes de l’EAC et les associations de
collectivités territoriales.
-
Une priorité à la
formation des enseignants par la mise en place de modules
au sein des écoles professorales et d’une formation continue à l’échelle
régionale.
-
Une université d’été de
l’Education artistique et culturelle qui se tiendra
annuellement en Avignon, constituant un lieu d’échanges des approches et
expertises entre tous les acteurs (Etat, collectivités territoriales, mais
également artistes, associations…).
-
Un engagement de toutes les
grandes institutions « patrimoniales » qui devront inscrire un volet « éducation artistique et
culturelle » dans leur cahier des charges (cf. engagement réalisé du Louvre, de la Cité
des Sciences, INA…. ) créant ainsi un de 70 établissements publics pour
l’éducation artistique et culturelle. »
-
Une meilleure prise en
compte de l’implication professionnelle des artistes, dans le cadre de la
négociation entre partenaires sociaux sur l’intermittence du spectacle.
C’est donc un plan sérieux qui a été présenté par
la ministre sur ce sujet. Cela va permettre, espérons-le, de mettre en place le
volet d’éducation artistique et culturelle nécessaire à la réussite de la réforme
de l’Ecole mais dont le ministère de l’éducation national freine pour l’instant
le déploiement. Il est d’ailleurs à ce titre regrettable et symptomatique que
ce dernier ait baissé, cet été, de manière importante les subventions qu’il
octroyait à certaine structure dans le domaine culturel.
La contribution sur les tablettes connectées, Hadopi et le CSA
Vendredi dernier, le 20, j’ai
été invité à une émission de RMC (Carrément Brunet) pour défendre la
« Taxe Lescure ». Je suis
évidemment favorable à cette contribution qui permettrait de faire
« remonter de la valeur dans la filière culturelle ». Autant prendre
de l’argent là où il y en a, c’est-à-dire chez les fabricants de tablettes
numériques, pour en mettre là où il y en a moins c’est-à-dire dans la création
artistique. Pour le débat sur ce sujet, je vous renvoie à l’écoute de
l’émission du 20 septembre :
Mais au de-là de cette question,
il me faut revenir sur les questions d’Hadopi et du CSA.
En mai dernier, les
professionnels de la culture et de l’audiovisuel, tout comme les responsables
politiques et publics, saluaient d’une même voix la qualité du rapport Lescure
sur « L’acte II de l’exception culturelle ». Trois mois plus tard, ce
consensus – assez inédit sur ce sujet – a failli voler en éclats par un
amendement du Sénat proposant de transférer les compétences d’Hadopi au CSA,
dans le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. Cette
amendement, déposé il y a 15 jours a ensuite été retiré. C’est heureux car c’est
tout l’équilibre des conclusions de la mission Lescure, et des perspectives
qu’elles permettent d’ouvrir, qui aurait été rompu en quelques lignes.
Certes, le possible transfert
des missions d’Hadopi au CSA figurait parmi les pistes de réflexion du rapport
Lescure. Mais l’acter dès aujourd’hui, et de cette manière, auraient été un
non-sens total.
D’abord, en raison du
calendrier. Le 9 juillet dernier, la ministre de la Culture mettait fin, par
décret, à la sanction de suspension de l’abonnement Internet en cas de récidive
avérée de téléchargement illégal. Par ce geste unanimement salué, elle
signifiait la volonté de rompre avec la logique répressive de la loi Hadopi et de
privilégier la concertation sur son avenir. Transférer ses missions à une autre
autorité, donc libre de les conserver à l’identique ou de les faire évoluer
vers un contrôle encore plus strict du Net, aurait donc empêché tout débat
ultérieur, indépendance du CSA oblige. Un excellent rapport de 80 propositions qui
n’aurait abouti qu’à la suppression de la coupure de l’abonnement Internet
(d’ailleurs jamais appliquée !), et à la reconduction de facto le principe de la « riposte graduée », c’eût
été comme un mauvais remake de « Tout ça pour ça ! ».
Ensuite, la méthode. Les enjeux
relatifs à la transmission, l’échange et la création de contenus culturels à
l’ère numérique dépassent largement la question de l’avenir d’Hadopi, et
doivent être traités de manière cohérente, donc globale. Le grand mérite du
rapport Lescure est de proposer une approche dynamique, qui permette de
réconcilier les droits des créateurs et les droits des internautes. Donner une
traduction concrète à cette ambition implique donc d’apporter une réponse à la
question du piratage (en distinguant d’ailleurs la contrefaçon lucrative du téléchargement
à usage personnel), mais aussi et surtout de proposer des solutions innovantes
pour assouplir la chronologie des médias, réglementer les échanges non
marchands, faciliter le recours aux licences libres, favoriser le développement
d’une offre légale, riche et diversifiée, et bien sûr garantir le financement
des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ainsi que la rémunération de
leurs créateurs. A cet égard, il est regrettable que le gouvernement ait
renoncé, pour cause de pause fiscale, à proposer l’instauration de la
contribution sur les tablettes connectées dès 2014, qui aurait été un signal
fort pour passer de l’ère de la répression juridique à celle de la régulation
économique par la puissance publique. Mais il n’est jamais trop tard pour bien
faire…
Au final, c’est la préservation
de l’exception culturelle, que la ministre a défendue avec tant d’ardeur au
printemps dernier, qui est au cœur de ces multiples enjeux. Elle mérite
résolument mieux qu’un cavalier législatif et doit désormais faire l’objet
d’une grande loi, qui pose le cadre d’une politique publique réaliste et ambitieuse.
Plus que jamais, l’heure est venue d’ouvrir ce débat.
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