C’est
enfin le moment attendu. Trois ans après l’élection de François Hollande, le
parlement discute enfin de la loi de création architecture et patrimoine. L’enjeu
est de taille. L’attente est forte dans un contexte où nombre de festivals ont
du mal à boucler leur programmation ou disparaissent, que l’alternance politique
lors des dernières municipales a vu bon nombre de municipalités de droite (mais
aussi certaines de gauche) baisser leur budget culture, que les artistes sont
régulièrement victimes de censure ou d’attaques par des bigots ou des censeurs
de tout poil. L’Assemblée Nationale entame lundi le débat sur la loi sur la
création artistique et sur le patrimoine. Si cette loi est pour l’instant
déséquilibrée entre sa partie sur la création et celle sur le patrimoine qui
représente plus des 2/3 des articles, le parlement va devoir faire un important
travail d’amendement s’il veut que le résultat soit à la hauteur des besoins et
des attentes.
En
premier, cette loi devrait être aussi comporter un volet de programmation budgétaire.
C’est d’ailleurs ce qui avait été demandé par le monde de la culture quand
François Hollande avait intégré cette idée de la loi sur la création dans ses
60 propositions en 2012. Il est anormal que la part de la richesse consacrée à
la culture dans le budget national soit si faible. Et l’abandon, il y a un an,
de la taxe sur les tablettes dite taxe Lescure qui aurait pu permettre de faire
contribuer les géants du net au financement de la création, est venue rappeler
que ce gouvernement ne souhaitait pas changer cet état de fait. Il fut un temps
où la gauche réclamait 1% du budget de l’Etat pour la culture. On en est loin
aujourd’hui. Manuel Valls a déclaré récemment que la baisse du budget de la
culture durant les deux premières années du quinquennat avait été une erreur. C’est
bien. Mais aujourd’hui des festivals disparaissent faute de financement. Il
faut donc agir plus fort. Et prévoir une loi de programmation pour la culture
au même titre qu’il y en a une pour l’armée.
L’autre
urgence est celle de la diversité et de la parité. Selon l’étude de la SACD « Où sont les femmes », pour la saison 2015/2016, les femmes ne
représenteront que 26% des auteurs joués dans nos théâtres et salles
subventionnés, 26% des metteurs en scènes et 4% (sic) des chefs d’orchestres.
Et ne parlons pas de la diversité qui, même s’il n’y a pas de statistiques, est
absente des plateaux de théâtre, et des écrans de cinéma. C’est pourtant un
enjeu démocratique fondamental si l’on veut que la culture demeure un facteur
d’émancipation, et que sa pratique professionnelle ne soit pas l’apanage d’une
élite de mâles blancs.
Enfin
cette discussion parlementaire pourrait être l’occasion de retisser des liens
entre les pratiques professionnelles et amateurs. Au delà des débats, certes
fondamentaux sur le statut et la présomption de salariat, il est temps que dans
un pays qui a été précurseur en matière d’éducation populaire, et qui a inventé
la fête de la musique que les politiques publiques en matière de culture
intègrent les pratiques amateurs en leur sein.
Lorsque,
dans le dernier film documentaire de Yves Jeuland, « Un temps de
président », François Hollande donne des conseils à Fleur Pellerin qui
vient d’être nommée ministre de la culture, par « Va au spectacle tous les
soirs, il faut que tu te tapes ça, et tu dis que 'c’est bien', que 'c’est
beau' », il ne comprend pas que les artistes n’ont pas seulement besoin qu’on
vienne voir leurs oeuvres pour en dire du bien, ils ont besoin d’être soutenus.
La culture
doit redevenir une priorité des politiques publiques. La gauche se doit de
mener cette bataille pour garder une dimension subversive et un rôle social à
l'Art et ne jamais oublier que la culture est avant tout un élément producteur
de commun.