lundi 25 janvier 2016

Pour une République inclusive. Tribune parue dans l'Humanite du 25 janvier 2016


« Partout dans la France abaissée, dans la République désemparée, c’est une marée lourde et visqueuse de réaction qui monte dans les cœurs et dans les cerveaux ». Ainsi s’exprimait Jean Jaurès dans un article intitulé « Une honte » et publié le 10 mai 1912 dans l’Humanité. Il dénonçait la campagne de panique et de peur qu’avait déclenché la presse, suite à une série de sanglants attentats anarchistes.

C’est à cette même marée lourde et visqueuse, cette panique, que la gauche gouvernementale et intellectuelle semble avoir cédé en ce début d’année après les évènements mortifères de 2015. Ces nouveaux réactionnaires veulent construire une République exclusive, qui mettrait de côtés les binationaux, les mal-laïcs mais aussi ceux qui cherchent à expliquer certaines causes. Cette pente du "contre" est mortifère pour la gauche et ne fait que cultiver les peurs, la crainte des autres.

Mais quand on est élu à Paris, ce qui est mon cas, on comprend parfaitement que la demande de sécurité des habitants après les attentats n’implique pas un tournant sécuritaire de nos lois ou de notre constitution. Non, ce que la gauche doit à la société comme à elle-même, c’est une République juste et inclusive. A fortiori parce que nous sommes dans une période de doutes et de crise.

Une République qui inclut.
Celle qui fait de la double citoyenneté non une tare mais un atout pour notre société, une chance pour notre rayonnement international et pour la francophonie. Cette République qui fait de son métissage culturel et cultuel une force, et qui n'imagine pas en elle de cinquième colonne tapie dans l’ombre, prête à agir. La République inclusive ne laisse personne sur le bord du chemin et, face à la ségrégation sociale, territoriale se bat pour que soit tenue la promesse d’égalité. Elle défend la liberté et sait qu’un Etat qui se déclare en état de guerre permanent produit une société de la méfiance et du rejet.
Cette République sait qu’elle doit sans cesse expliquer à tous ses enfants qu’ils ont toute leur place en France, leur permettre de vivre en sécurité mais aussi de s'épanouir quotidiennement. La République inclusive mise sur la culture, l’éducation, l’écologie, sur la mise en commun des activités humaines, face à leur transformation toujours plus rapide en de simples marchandises. Elle sait que si on change la constitution, cela ne peut être que pour  renforcer la démocratie sociale et parlementaire et non pour y faire entrer de nouveau pouvoir coercitif d’exception.

Mettre en commun :
Si elle veut se reconstruire, nous devons favoriser les lieux d’échange, de partage entre les forces de gauche, mais surtout avec ceux qui se sont détournés de son chemin, qui ne votent plus, qui n’y croient plus mais font. Comme dans la période qui a précédé 1848, l’heure est aux banquets de tous les républicains. Combien d’exemple de gens qui agissent au quotidien, des artistes qui aident les réfugiés et leur ouvrent leurs théâtres comme à Rouen ou à Paris, des salariés qui mettent en place des coopératives comme « 1336 », des ex-FraLib, des maires qui mettent en place des budgets participatifs comme à Paris ou une gouvernance collégiale et participative comme à Saillans. Il y a aussi de bonnes nouvelles, celles d’une société qui résiste et qui construit une alternative. Avec eux, la gauche peut se reconstruire en faisant confiance à ceux qui, malgré les déceptions et les promesses non tenues, ont continué à agir. Des primaires de la gauche ? Oui, pour peu qu’elle participe de de la mise en mouvement de cette alternative et non de l’adoubement d'un candidat naturel.


A la fin de son article Jaurès ajoutait, de manière pessimiste : « Un peuple ainsi affolé, ainsi abêti par la peur  (…) se méfie de la justice et la liberté comme d’un piège, de l’idéal comme d’une duperie ». Serait-ce une prémonition pour 2017 ?
Je pense qu'il est encore temps de se réveiller et se battre pour nous éviter le pire.